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Pocahontas

… texte et illustrations d’Elmer Boyd Smith

… traduction personnelle


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Image de couverture : Virginia Watson

Image de couverture : Virginia Watson



illustration d’Elmer Boyd Smith

Pocahontas


Cette histoire se passe il y a très, très longtemps de cela, en Virginie, près du fleuve qu’on appelle maintenant James, à l’époque où les Indiens en étaient propriétaires. C’est là que vivait une petite indienne nommée Pocahontas, la fille du grand chef Powhatan.

Pocahontas était la favorite de son père et la mascotte de toute la tribu ; les guerriers les plus sauvages se laissaient attendrir par sa joie de vivre.

C’était une enfant de la nature : les oiseaux lui faisaient confiance et répondaient à ses appels. Elle connaissait leurs chants et les lieux où ils nichaient. Elle passait son temps dans les bois sauvages qu’elle apprit à connaître et devint peu à peu une jeune fille insouciante et autonome.


illustration d’Elmer Boyd Smith

John Smith


Très loin de là, en Angleterre, vivait un vaillant jeune homme nommé John Smith, qui rêvait de batailles et d’aventures. Il avait déjà participé, malgré son jeune âge, aux guerres de France et de Flandre.

Et ces deux jeunes gens, la petite indienne sauvage et le jeune guerrier, qui vivaient à des kilomètres l’un de l’autre, allaient un jour se rencontrer et se lier d’amitié.

Revenu au pays, dans le comté de Lincoln, après plusieurs voyages dangereux, John rêvait encore de surmonter de glorieuses épreuves dans de nouveaux combats.

Il se retira au calme dans les bois où il installa son campement et passa ses journées à lire des histoires de batailles et de chevaliers errants. Plein d’enthousiasme, il affrontait quotidiennement des ennemis imaginaires. Mais un jour, il en eut assez de rêver et repartit parcourir le monde à la recherche de nouvelles aventures.


illustration d’Elmer Boyd Smith

Comment le capitaine John Smith gagna du galon.


Il décida de rejoindre l’armée française qui se battait contre les Turcs mais fut victime de compagnons de route malhonnêtes et subit de nombreuses épreuves.

Il finit par atteindre le port de Marseille et embarqua avec un groupe de pèlerins. Hélas, ils furent pris dans une énorme tempête et les pèlerins, superstitieux, le rendirent responsable de cette catastrophe et le jetèrent par-dessus bord. Heureusement, il réussit à rejoindre à la nage une petite île où un navire breton vint à son secours. John resta à bord plusieurs mois et prit part à un combat contre un bateau vénitien. Après la victoire, il reçut sa part du butin.

Cette somme lui permit de traverser l’Italie et de se rendre en Styrie. Il entra au service de l’armée de l’empereur Rodolphe II, et fut nommé capitaine de cavalerie. Il remplit ses fonctions très honorablement.

Pendant le siège de la ville de Régal, les Turcs mirent les assiégeants au défi de venir affronter leurs champions.

Le choix se porta sur le capitaine John Smith, le combat eut lieu sur un terrain au pied de la ville, le Turc fut battu et décapité. Le lendemain, un second champion turc releva le défi et fut également vaincu. Ce fut ensuite le tour d’un troisième qui, après un combat désespéré rencontra le même sort que les deux premiers.

Pour récompenser le capitaine de son courage et de ces victoires, le prince Sigismond - de Transylvanie - lui offrit un blason représentant trois têtes de Turcs. C’est ainsi qu’il entra dans l’histoire.

Mais par la suite, il eut moins de chance, il fut blessé et emprisonné par les Turcs qui le réduisirent en esclavage. Il finit cependant par s’échapper et à rejoindre la Russie, puis à regagner l’Angleterre une fois de plus.


illustration d’Elmer Boyd Smith

Curieuses histoires sur de curieux étrangers


Entre-temps, Pocahontas, devenue une jeune fille d’une douzaine d’années, écoutait souvent avec passion les histoires rapportées par les anciens de sa tribu, qui profitaient des chaudes soirées de printemps pour s’asseoir et fumer ensemble en racontant leurs souvenirs de jeunesse.

Certains se souvenaient d’un peuple au visage blanc qui, près de vingt ans auparavant, était arrivé à l’île de Roanoke d’on ne sait où, des hommes aux cheveux jaunes, vêtus de la tête aux pieds de vêtements encombrants, et portant des armes merveilleuses qui crachaient du feu et faisaient beaucoup de bruit.

Les uns pensaient qu’il s’agissait de divinités, les autres de créatures diaboliques. Beaucoup les prenaient pour des dieux, d’autres pour des démons.

Pocahontas écoutait avec étonnement, toujours curieuse d’entendre parler de ce peuple étrange, si différent du sien. Le vieux prêtre prophétisa avec tristesse que les étrangers, issus d’une race puissante, sortiraient à nouveau des grandes eaux et envahiraient tout le pays.


illustration d’Elmer Boyd Smith

L’arrivée de l’homme blanc


Et à peine avait-il parlé qu’il semblait que son avertissement s’était réalisé : une bande de jeunes, tout excités, revenaient du rivage en courant : ils avaient vu sur l’océan toute une flotte de canoës à grandes voiles, approchant comme d’énormes nuages.

Ils se précipitèrent tous, ainsi que Pocahontas, au sommet des collines pour observer la mer : ils virent en effet approcher trois étranges embarcations qui entraient dans leur baie.

C’était des caravelles anglaises qui transportaient une nouvelle colonie : une bande de pionniers et d’aventuriers chercheurs d’or, venus prendre possession de nouveaux territoires en Amérique.


illustration d’Elmer Boyd Smith

Le débarquement des colons en 1607


Cette nuit-là, les navires jetèrent l’ancre dans la baie. Le lendemain, les colons débarquèrent et leur chef, le capitaine Gosnold, leur chef, revendiqua la terre au nom du roi. Parmi les premiers arrivants se trouvait naturellement le capitaine John Smith, qui faisait partie du Conseil et avait à nouveau quitté son pays en quête de nouvelles aventures et de gloire, cette fois dans le Nouveau Monde.

Aux yeux des voyageurs épuisés par leur longue traversée de cinq mois, la Virginie apparut en ce beau matin d’avril comme une terre promise. Plein d’espoir et de courage, ils se mirent au travail pour construire une ville qu’ils appelèrent Jamestown, en l’honneur de leur roi, une ville qui existe encore aujourd’hui.

Mais, au bout d’un certain temps, ne trouvant pas de mines d’or qu’ils espéraient, ils furent insatisfaits, se découragèrent, se querellèrent et les choses commencèrent à se gâter.

Pour ne rien arranger, le capitaine Gosnold tomba malade et mourut au bout de quelques mois.


illustration d’Elmer Boyd Smith

L’embuscade


Heureusement pour le bien des colons, découragés, prêts à tout abandonner, c’est le capitaine John Smith qui prit la tête de la colonie.

Son enthousiasme et son énergie furent communicatifs. Il reprit en main l’organisation des travaux, remit les fainéants au travail pour terminer leur maison et la construction de fortifications afin de se protéger des Indiens, qui faisaient désormais preuve d’un esprit belliqueux.

Puis il partit explorer l’intérieur du pays pour échanger du maïs avec les indigènes, car la nourriture commençait à manquer.

C’est à l’occasion d’une de ces expéditions avec un guide indien qu’une bande de guerriers cachés dans les arbres se prépara à l’attaquer. La bande était menée par Opekankano, l’oncle de Pocahontas.

Inconscient de leur présence, le capitaine s’enfonça dans les terres en ordonnant à ses hommes de rester près du navire et de veiller au moindre danger.


illustration d’Elmer Boyd Smith

La bataille avec les indiens


Soudain, au cœur de la forêt profonde, après une approche furtive, les Peaux-Rouges se précipitèrent avec d’horribles hurlements de guerre. Une volée de flèches s’abattit sur lui.

Malgré la surprise, le capitaine répliqua courageusement, blessant gravement deux de ses ennemis avec ses pistolets. Il tenta de s’échapper en se protégeant des flèches, en tenant son guide indien devant lui, en guise de bouclier.

Mais ses adversaires étaient trop nombreux ; juste au moment où il allait atteindre le rivage, toujours abrité derrière son guide, il trébucha dans un marécage, et se retrouva pris au piège d’une tourbière et de son eau glaciale.

Ainsi réduit à l’impuissance, il dut se rendre, et les Indiens triomphants le firent prisonnier.


illustration d’Elmer Boyd Smith

Le capitaine John Smith prisonnier


Au début, ils décidèrent de le tuer sur le champ, puis plusieurs guerriers pensèrent qu’il valait mieux le ramener au village, pour que toute la tribu se réjouisse de leur triomphe.

Mais comme un des Indiens atteint d’une balle succomba de ses blessures, les plus impatients crièrent vengeance et l’attachèrent à un arbre pour qu’il serve de cible.

Alors que les flèches commençaient à s’approcher dangereusement, le capitaine John, toujours vif d’esprit et plein de ressources, sortit sa boussole de poche et montra aux Indiens l’aiguille dansante. Lorsqu’ils découvrirent qu’ils ne pouvaient pas la toucher, à cause du verre, ils furent stupéfaits, car ils n’avaient jamais vu de verre auparavant et ne pouvaient comprendre ce qu’ils voyaient.

Un sentiment de terreur s’empara d’eux, ils le prirent pour un magicien et eurent peur de le tuer. Ils finirent donc par le ramener au village pour demander conseil au reste de la tribu sur le sort à lui réserver.


illustration d’Elmer Boyd Smith

La danse de la victoire


Ils transportèrent leur prisonnier de village en village ; à chaque instant, il se préparait à sa mise à mort. Ils finirent par atteindre la capitale, Werowacomo, où vivait le roi Powhatan. C’est là qu’ils célébrèrent leur victoire en grande pompe.

Ils attachèrent le capitaine au poteau sacrificiel, se recouvrirent le corps de peintures de guerre agressives et d’attributs effrayants, et se mirent à danser leur ronde triomphale. Ils brandissaient leurs armes contre leur captif, en criant, sautant et tourbillonnant comme une bande de démons, tous plus terrifiants les uns que les autres.

Mais, comme il était toujours en vie, le capitaine, imperturbable, continuait à leur raconter des histoires sur le soleil, les étoiles, le monde d’au-delà des mers et, bien que n’y comprenant pas grand-chose, ces discours les faisaient hésiter, tantôt prêts à l’exécuter, tantôt au contraire à le vénérer.

Pocahontas, prise de pitié pour le bel et jeune étranger, fût attirée et lui enseigna quelques mots dans sa langue. De son côté, il fit de son mieux pour lui raconter des histoires sur la vie de son peuple au-delà de la mer, et ils finirent par se lier d’amitié.


illustration d’Elmer Boyd Smith

Pocahontas sauve la vie du capitaine John Smith


Finalement, après de longues délibérations, les Indiens décidèrent que, conformément à leur loi, il devait mourir puisqu’il avait tué un des leurs. Ils le trainèrent, ligoté, au pied de leur grand chef Powatan, trônant au milieu de ses guerriers.

Ils allongèrent le prisonnier par terre, la tête sur une grosse pierre, prêts à l’écraser de leurs massues. La fin était proche mais à l’instant même où le premier guerrier indien brandissait et faisait tournoyer son arme terrible, Pocahontas se précipita entre les deux hommes.

Elle fit un bouclier de son corps, afin de protéger le capitaine, car son cœur était plein de pitié pour l’étranger et elle ne pouvait supporter l’idée de le voir mourir.

Elle se releva, les yeux étincelants, et repoussa le bourreau d’un geste. Puis elle plaida la cause du capitaine auprès de son père, pour qu’il ait la vie sauve.


illustration d’Elmer Boyd Smith

Pocahontas sauve la vie du capitaine John Smith - suite -


Son intervention provoqua une vague de cris et de menaces ! « À mort, à mort ! » Ceux qui souhaitaient l’épargner étaient très peu nombreux, car la majorité avait peur des hommes blancs et voulait les chasser de leurs terres.

Mais Pocahontas, en tant que princesse de la tribu, revendiqua son droit, s’interposa et refusa de leur céder la victime.

Alors son père, Powhatan, qui régnait sur tous ses sujets, leva la main pour les faire taire. Un silence morose s’installa, les guerriers en colère attendaient sa décision.

Il hésita un instant et le sort du capitaine John fut suspendu. Puis, pour faire plaisir à sa fille préférée, qu’il aimait tendrement, il décréta que sa volonté prévaudrait et leur dit :

« Que Pocahontas garde l’étranger comme sien, pour qu’il continue à lui fabriquer des jouets. »

En effet, pendant ses longues journées de captivité et d’inactivité, le capitaine John avait souvent fabriqué pour la fillette des jouets étonnants.

Et c’est ainsi que la vie du capitaine John Smith fut sauvée par la petite indienne, et, par la même occasion, la colonie de Jamestown toute entière car, sans leur chef, déterminé et débrouillard, les colons auraient perdu courage et abandonné la ville.


illustration d’Elmer Boyd Smith

Le capitaine John Smith libéré


Après de nombreux festins, des rites et des cérémonies primitives, Powhatan adopta le capitaine dans la tribu, le nomma chef et lui dit qu’il pouvait aller et venir en toute sécurité, comme l’un des leurs. Ils lui fournirent des guides pour le reconduire à Jamestown en gage d’amitié entre Blancs et Peaux-rouges, puisque telle était la volonté de Pocahontas. Le capitaine John remercia la jeune fille pour le grand service qu’elle lui avait rendu et, comme les chevaliers des temps jadis, il mit un genou à terre et lui baisa la main, pour lui dire au-revoir.

À son retour à Jamestown, il trouva une colonie complètement désorganisée et en pleine panique. Les colons s’apprêtaient à repartir en Angleterre, terrorisés par les Indiens, désespérés, persuadés qu’il était mort.

Le capitaine Smith réussit à relancer l’entreprise, à remettre à l’ouvrage les découragés et à les libérer de la crainte d’une attaque indienne puisque Pocahontas était son alliée et son amie.


illustration d’Elmer Boyd Smith

Pocahontas apporte de la nourriture aux colons.


Quelques mois plus tard, alors que les colons étaient en grande difficulté pour se nourrir, car ils étaient imprévoyants et se débrouillaient mal, Pocahontas, toujours généreuse et amicale, apprenant leurs besoins, vint avec son frère Nantaquaus et ses Indiens apporter du maïs, ce qui leur permit de survivre le temps que leur propre récolte soit prête. En retour, le capitaine John lui donna des perles et des bijoux pour se parer, en l’appelant « son enfant », et une solide amitié naquit entre eux.

Elle revint à plusieurs reprises, avec des messages de paix et de la nourriture, et finit par se sentir très à l’aise dans les petites rues de Jamestown. Le capitaine John Smith écrivit que, sans son aide dans les moments difficiles et sans son influence en faveur de la paix, la pauvre colonie n’aurait certainement pas survécu, que ce soit à cause de la faim, ou du fait des attaques des Indiens. « Nous devons beaucoup à la jeune fille indienne, qui a tant aidé les fondateurs de notre nation dans ses premières luttes. »


illustration d’Elmer Boyd Smith

Le capitaine John Smith part à la recherche de maïs.


Mais cette situation satisfaisante pour tous fut de courte durée. Quand les colons se furent bien installés, les Indiens, versatiles et inconstants, se mirent à les jalouser et à regretter leur intrusion : ils refusèrent de leur vendre du maïs, dans l’espoir de les obliger à repartir.

Un jour, en plein cœur de l’hiver, le capitaine John Smith dut traverser la rivière gelée pour venir chercher de la nourriture au village. Mais il fut reçu avec froideur et des regards fuyants, et seule Pocahontas lui souhaita la bienvenue.

Finalement, Powatan et les mécontents se liguèrent contre lui et décidèrent de se débarrasser du capitaine John et de ses amis par traîtrise.


illustration d’Elmer Boyd Smith

L’avertissement de Pocahontas


Pour mettre son plan à exécution, le chef rusé propose au capitaine de laisser ses armes dans le bateau, maintenant qu’ils étaient tous amis. Il espérait ainsi attaquer les hommes blancs, alors qu’ils étaient désarmés.

Mais le capitaine John était un soldat trop prudent pour accepter cela, et il répondit que, puisque, comme Powhatan l’avait dit, ils étaient tous amis, il n’y avait pas de mal à garder leurs armes avec eux, puisque les colons les considéraient comme faisant partie de leur costume.

Powatan décida alors de les attaquer par surprise, durant la nuit. Le piège était prêt. Mais Pocahontas, au risque de sa vie, s’échappa en silence dans les bois, malgré la nuit sombre et glaciale, jusqu’à la tente du capitaine et, les larmes aux yeux, l’avertit du danger qui le guettait, l’exhortant à s’enfuir.

Ainsi prévenu, le capitaine se tint sur ses gardes et, avec ses soldats, repoussa ses ennemis lorsqu’ils arrivèrent, et les força même à apporter le maïs dont ils avaient tant besoin, en menaçant de détruire leur village.

C’est ainsi que Pocahontas sauva pour la deuxième fois la vie du capitaine John Smith.


illustration d’Elmer Boyd Smith

Le capitaine John Smith navigue vers l’Angleterre


Toujours vigilant et courageux, le capitaine John Smith travaille avec zèle à la réussite de la colonie. Un jour, alors qu’il revenait de traiter avec les Indiens pour trouver un nouveau et meilleur site pour Jamestown, il fut gravement blessé par l’explosion accidentelle d’un sac de poudre à canon dans son bateau. Ses vêtements prirent feu et dut plonger dans la rivière pour éviter de périr brûlé.

Mais ses blessures étaient tellement graves qu’il ne peut plus gouverner la colonie et qu’il fut contraint de repartir en Angleterre, à bord d’un navire en partance, afin de recourir aux soins d’un chirurgien.

Ce jour-là, Pocahontas, ayant appris l’accident, se rendit à la ville avec Nantaquaus pour le voir. Ils n’eurent que le temps de voir le bateau du capitaine John s’éloigner vers le large. Pocahontas était loin de se douter que des années s’écouleraient avant qu’ils ne se rencontrent à nouveau.


illustration d’Elmer Boyd Smith

Argall enlève Pocahontas


À compter de ce jour, ayant perdu leur chef, la vie des colons de Jamestown devint un enfer car les Indiens, mécontents, ne craignant plus la main de fer du capitaine John Smith, se mirent à attaquer les Anglais et à provoquer des pertes sévères dans leurs rangs.

Pocahontas ne venait plus en ville, attendant le retour du capitaine, en vain. Le temps passa, et elle apprit, par la rumeur, qu’il était mort. Elle en fut profondément affligée et resta souvent seule à penser à lui, car elle avait appris à aimer son guerrier de capitaine.

Environ deux ans après le départ du capitaine John, un Anglais sans scrupules nommé Argall vint s’installer dans le pays et complota pour capturer Pocahontas et la garder en otage, afin de calmer les tribus qui se battaient. Avec l’aide de deux Indiens perfides, elle fut amenée à monter à bord de son navire, où elle fut capturée et retenue prisonnière.

Powhatan pleura la perte de sa fille et essaya de payer une rançon, mais Argall refusa de la livrer.


illustration d’Elmer Boyd Smith

Le mariage de Pocahontas


Elle ne fut jamais autorisée à retourner chez les siens, bien que Nantaquaus vienne souvent la voir à Jamestown. C’est là qu’elle devint une femme, qu’elle apprit les coutumes des femmes anglaises, et qu’elle s’habilla comme elles.

Un jeune Anglais, John Rolfe, séduit par sa beauté sombre et ses manières douces, fit la cour à la jeune Indienne, et comme des années s’étaient écoulées depuis le départ du capitaine John et qu’elle le croyait mort depuis longtemps, elle écouta Rolfe et consentit à l’épouser, afin que la paix règne entre son peuple et les hommes blancs.

Le mariage eut lieu dans l’église de Jamestown. Nantaquaus et un groupe de chefs de sa tribu, ainsi que tous les colons, vinrent assister aux noces. La joie fut grande dans la ville, car les colons sentaient qu’une bonne entente avec les Indiens était enfin établie. Et Pocahontas, comme auparavant, était le lien qui les unissait.


illustration d’Elmer Boyd Smith

L’arrivée de Pocahontas en Angleterre


Pendant les années qui suivirent, la colonie prospéra, et Pocahontas s’adapta à la vie en ville. Elle donna naissance à un fils.

Ils finirent un jour par s’embarquer tous trois pour l’Angleterre. Pendant la traversée, Pocahontas s’émerveilla de l’étendue de la mer et des nombreux navires qui sillonnent ses flots.

À leur arrivée à Plymouth, le gouverneur de la ville vint accueillir la princesse indienne et lui souhaita la bienvenue en Angleterre.

Elle était accompagnée d’Uttamatomakkin, un vieux chef rusé qui, avec ses plumes de guerre et ses robes indiennes, attirait beaucoup l’attention. Il avait été envoyé par Powhatan, avec comme mission de compter les Anglais qu’il apercevait pour en déduire la force du pays. Il devait faire une entaille dans son bâton à chaque homme qu’il verrait. Il coupa, coupa, vite et bien, mais il lui fallut toute une collection de bâtons à marquer, et ce avant même d’atteindre Londres. Aussi, à son arrivée dans la capitale, abandonna-t-il sa tâche en poussant un grognement dégoûté : « Trop nombreux ! »


illustration d’Elmer Boyd Smith

Pocahontas à la cour du roi James Ier


Le séjour de Pocahontas en Angleterre se transforma vite en une sorte de marche triomphale. Elle était partout reçue, avec les honneurs dus à une princesse étrangère, invitée à des banquets, réceptions et spectacles de théâtre.

Elle fut présentée à la cour par Lord et Lady Delaware et officiellement accueillie à la Cour en grande pompe par le roi et la reine, entourés des lords et de leurs dames, tous revêtus de leurs plus riches costumes d’apparat. Et aucune de ces dames hautaines n’était plus fière ou plus majestueuse que la jeune Indienne.

Cet accueil chaleureux se prolongea dans toute la ville de Londres. Le peuple était curieux de voir cette princesse brune, venue d’un autre monde. Et même les évêques, les seigneurs et leurs dames vinrent lui rendre visite dans leurs majestueux carrosses, dans sa maison de Branford.

En hommage, plusieurs tavernes et auberges furent d’ailleurs nommés « La Belle Sauvage »[1], enseigne que l’on trouve encore à Londres.

[1] En français dans le texte


illustration d’Elmer Boyd Smith

Pocahontas à la cour du roi James Ier - suite -


Comme la nation lui devait tant pour avoir soutenu les colons anglais pendant leur installation laborieuse en Virginie, tous souhaitaient lui témoigner leur gratitude en la saluant et en organisant des fêtes en son honneur.

Le vieux Uttamatomakkin était également l’objet de nombreuses attentions. Avec ses costumes, sa peau fauve et ses cheveux noirs luisants, il offrait un spectacle étonnant aux Anglais, qui n’avaient jamais rencontré de Peau-Rouge jusqu’à présent.

Il ne fut absolument pas impressionné par le roi et sa Cour d’aristocrates aux parures somptueuses. Il se demandait comment ils pouvaient survivre en transportant une telle quantité de vêtements et préférait son mode d’habillement simple, fabriqué avec la peau des bêtes sauvages de ses forêts.


illustration d’Elmer Boyd Smith

Les retrouvailles de Pocahontas et du capitaine John Smith


Or, voici que le capitaine, qui avait consacré toutes ces années en voyages d’aventures et d’explorations, entendit parler de l’arrivée de Pocahontas et se souvint de l’époque où la petite Indienne avait tant fait pour lui et sa colonie. Il décida donc d’aller lui rendre visite à Branford avec un groupe d’amis pour la saluer.

Quand elle le vit, elle fut submergée d’un flot de souvenirs et d’émotions. Elle se détourna, se cacha le visage, muette de saisissement. Elle finit par prononcer ces paroles :

« On m’avait dit que vous étiez mort ! »

Puis elle lui reprocha de s’adresser à elle par son nom d’épouse : Lady Rebecca Et lui dit qu’il devait l’appeler son enfant comme avant :

« Vous aviez promis à mon père que ce qui était votre serait sien, et de même pour ses biens : vous l’appeliez père quand vous étiez étranger dans son pays et maintenant que je suis en pays étranger, je dois faire de même avec vous.


Mais le capitaine John s’excusa en disant :

— Je ne saurais vous traiter de la sorte puisque le roi nous commande de vous traiter en princesse.

Ce à quoi Pocahontas répondit :

— Vous n’avez pas craint de venir dans le pays de mon père et de lui inspirer de la crainte, ainsi qu’à tout son peuple, sauf à moi, et vous craignez que je vous appelle père ? Je vous dis que je le ferai et que vous m’appellerez mon enfant. C’est ainsi que je serai pour toujours et à jamais votre compatriote. »

Puis, lorsque Pocahontas se fut calmée, ils retrouvèrent tous les deux les joies d’antan après toutes ces années de séparation, et le plaisir de parler longuement des journées passées en Virginie.

Uttamatomakkin, tout heureux de retrouver un vieil ami dans ce pays peuplé d’étrangers, lui dit combien Powhatan avait insisté pour avoir de ses nouvelles, pour chercher s’il était encore vivant et pour trouver la vérité car il ne faisait pas confiance aux rumeurs concernant sa mort.


illustration d’Elmer Boyd Smith

Le capitaine John Smith reprend la mer


Après cette rencontre, le capitaine ressentit à nouveau le besoin de partir et s’embarqua encore pour de nouvelles aventures. Lorsqu’il était seul sur le pont de son navire, il pensait souvent à la colonie de Virginie pour laquelle il avait tant travaillé et tant affronté de dangers, ainsi qu’à Pocahontas et à l’aide qu’elle lui avait apportée au moment où il en avait le plus besoin. Sans doute revoyait-il devant lui la petite Indienne qui lui avait sauvé la vie, et la servante qui lui avait porté secours et, le jour venu, l’avait alerté du danger qui le guettait. À chaque évocation, son cœur se gonflait de gratitude et il lui souhaitait d’être heureuse dans sa nouvelle vie.

Mais, guidé comme toujours par l’ambition et le désir de l’action, il s’embarqua donc pour aider à fonder de nouvelles colonies, cette fois dans cette partie de l’Amérique qu’il appela Nouvelle-Angleterre, et où il ouvrit la voie aux Pères Pèlerins, qui construisirent plus tard une nouvelle Plymouth dans le nouveau monde. L’appel du large primait. Entre Jamestown et Plymouth, de nouvelles colonies s’implantèrent le long de la côte atlantique jusqu’au moment où elles se réunirent pour former une nouvelle nation : les États-Unis d’Amérique.


illustration d’Elmer Boyd Smith

Pocahontas aspire à rentrer chez elle.


Après le départ du capitaine John, les pensées de Pocahontas se tournèrent plus que jamais vers son pays, et elle se lassa de la terre anglaise surpeuplée, et aspira à retrouver ses forêts natales. Chaque jour, de sa fenêtre, elle regardait vers l’ouest, où se trouvaient la Virginie et sa vie d’antan. Elle se languissait, et pensait aux jours passés dans ses forêts natales, lorsque l’étranger aux cheveux d’or et son peuple arrivèrent dans sa vie ensoleillée, et aux grands changements qui s’étaient produits pour elle et pour son peuple, à la suite de cette arrivée.

Elle parlait souvent avec le vieil Uttamatomakkin de la Virginie et du capitaine John, et elle avait de plus en plus le mal du pays, jusqu’à ce que son mari s’inquiète de la voir tomber malade à cause de la nostalgie, et qu’il essaie de hâter leur départ. Ils se rendirent à Gravesend, où se trouvait leur navire, mais furent contraints d’attendre qu’il embarque des provisions pour Jamestown.

Enfin, ils reçurent la bonne nouvelle que le navire était prêt. Les derniers préparatifs pour le long voyage furent rapidement terminés et le jour du départ fut fixé.


illustration d’Elmer Boyd Smith

La fin de l’histoire de Pocahontas


Bien que le navire fût prêt à partir, que les marins fussent venus les chercher pour les faire monter à bord et que Pocahontas eût enfin tourné son visage vers la maison, hélas ! Il n’en fut rien. Une faiblesse soudaine l’envahit, et doucement, regardant le soleil couchant et la Virginie, elle s’endormit tranquillement, pour reposer à jamais dans un pays étranger.

Son fils, des années plus tard, retourna sur sa terre natale. De nombreuses familles sont, encore aujourd’hui, fières d’être leurs descendants. Tant que la Virginie vivra, le nom de Pocahontas sera cher à cet État. Et pour nous tous, qui avons hérité de cette grande terre, de cette première page de l’histoire d’une nation, l’histoire de Pocahontas et du capitaine John Smith, avec ses souvenirs des jours primitifs, son romantisme et ses dangers, son courage audacieux et sa persévérance, signifiera toujours plus qu’un simple récit d’aventure de la petite Indienne et du vaillant soldat.

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