… de Washington Irving
… illustré par Arthur Rackham
Présentation :
Washington Irving (1783-1859) est le célèbre auteur de la nouvelle La Légende de Sleepy Hollow, le chevalier sans tête, publiée en 1819 dans le recueil Le Livre d’Esquisses. Il s'agit ici d'une autre nouvelle de ce recueil, moins connue en France, mais dans la même veine fantastique : Rip Van Winkle. C'est un conte plein d’esprit, à la fois moral et philosophique, qui revisite de façon surprenante le mythe de la Belle au bois dormant.
Si vous souhaitez télécharger ce conte en PDF, rendez-vous ICI !
En remontant le cours du Hudson le voyageur voit au loin, à l’ouest du fleuve, les monts Catskill, branche détachée de la grande chaîne des Appalaches, qui s’élèvent à une hauteur considérable et dominent toute la campagne environnante. Tout changement de saison, de temps, d’heure même, fait varier les teintes et semble altérer jusqu’aux contours de ces montagnes merveilleuses, de sorte qu’elles servent de véritables baromètres à toutes les bonnes femmes du pays.
Lorsque le temps est au beau fixe, elles prennent des nuances bleues ou pourpres, et leur silhouette se dessine fièrement sur le ciel pur du soir ; d’autres fois pourtant, sans qu’il y ait un seul nuage à l’horizon, leurs cimes s’enveloppent d’un capuchon de vapeurs grises qui brille et s’illumine comme un diadème glorieux aux derniers rayons du soleil couchant.
Au pied de ces montagnes féeriques on voit une fumée légère planer au-dessus d’un village dont les toits en bardeaux reluisent parmi les arbres, à l’endroit où la fraîche verdure se fond dans les teintes bleuâtres du lointain. C’est un petit village, fort ancien puisqu’il a été fondé par les colons hollandais dans les premiers temps de la province. On y voyait encore, il y a peu d’années, quelques-unes de ces vieilles maisons construites en petites briques jaunes, apportées de Hollande, aux fenêtres treillissées et à pignon, et surmontées d’une girouette.
Dans ce village, et précisément dans une de ces anciennes maisons, assez délabrée par l’âge et le mauvais temps, vivait il y a bien des années, du temps où le pays dépendait encore de la Grande-Bretagne, un brave homme de caractère simple et aimable, du nom de Rip Van Winkle. C’était un descendant des Van Winkle, qui se sont distingués par leur bravoure à l’époque mouvementée de Pierre Stuyvesant, qu’ils ont accompagné au siège de Fort Christine.
Rip n’avait guère hérité du tempérament belliqueux de ses aïeux. D’une grande bonhomie, il était le meilleur des voisins et un mari obéissant que sa femme menait par le bout du nez. Il devait sans doute à cette dernière circonstance la douceur de caractère qui lui valait sa grande popularité, les hommes soumis chez eux à une certaine tyrannie domestique étant en effet les plus affables et les plus conciliants au-dehors. Un sermon d’alcôve vaut ainsi tous les prônes pour enseigner les vertus que sont la patience et la maîtrise de soi.
On peut donc sous certains rapports trouver qu’une épouse querelleuse soit une bénédiction pour son mari, et à ce compte, le pauvre Rip était triplement béni. Dans tous les cas il était fort bien vu de toutes les commères du village, qui prenaient toujours parti en sa faveur dans les querelles domestiques, et ne manquaient jamais en bavardant le soir entre elles, de donner tous les torts à madame Van Winkle.
Les enfants du village poussaient des cris de joie toutes les fois que Rip s’approchait d’eux. Il partageait leurs jeux, leur fabriquait des jouets, leur enseignait à faire des cerfs-volants et à jouer aux billes, et leur racontait de longues histoires d’Indiens, de revenants et de sorcières. Aussi, dès qu’il se montrait dans le village, était-il toujours entouré d’une troupe d’enfants qui se cramponnaient aux pans de son habit, lui grimpaient sur le dos, et lui jouaient impunément mille tours. Pas un chien du voisinage n’aboyait à son passage.
Le grand défaut du caractère de Rip était son aversion insurmontable pour toute espèce de travail profitable. Ce n’était pas qu’il fût incapable d’application ou de persévérance, car il passait souvent des journées entières assis sur un rocher humide, une canne à pêche aussi longue qu’une lance de Tartare à la main, et cela sans même qu’un seul poisson vînt l’encourager en mordant à l’hameçon. D’autres fois, un lourd fusil de chasse sur l’épaule, il cheminait pendant des heures entières à travers bois et marais, gravissant les collines, descendant dans les vallées, à la poursuite de quelques écureuils ou pigeons sauvages.
Jamais il ne refusait son aide à un voisin, même pour le travail le plus pénible, et il était toujours le premier à offrir ses services dans ces réunions villageoises, au cours desquelles on s’organise pour éplucher du maïs, ou construire une clôture en pierres. Les femmes du village s’adressaient à lui pour faire leurs commissions et mille petites besognes dont leurs maris, moins aimables, ne voulaient pas se charger.
En un mot, Rip était prêt à faire la besogne de qui que ce fût, excepté la sienne ; quant à remplir ses devoirs de père de famille, et à s’occuper de sa ferme, il ne l’envisageait même pas. Il déclarait en effet que c’était peine perdue de travailler sur son exploitation, que c’était le plus vilain lopin de terre de tout le pays, que tout y allait mal, et irait toujours mal, en dépit de tous ses efforts.
Chez lui, les palissades pourrissaient toujours, les vaches s’égaraient ou entraient dans le jardin potager – la mauvaise herbe poussait plus vite dans ses champs que partout ailleurs – ; la pluie faisait exprès de se mettre à tomber juste au moment où il avait un travail pressant à faire dehors ; de sorte que, bien que son patrimoine se fût réduit peu à peu sous sa gestion à un bout de champ où il cultivait du maïs et des pommes de terre, c’était pourtant la ferme la plus mal tenue de tout le voisinage.
Ses enfants étaient déguenillés et négligés comme de petits vagabonds. Son fils Rip, bambin fait à son image, promettait d’hériter, avec les hardes de son père, de ses habitudes de paresse et d’incurie. On le voyait courir comme un poulain sur les talons de sa mère, vêtu de vieux haillons ayant appartenu à son père, qu’il retenait à grand peine d’une main, comme une belle dame relève sa jupe par mauvais temps.
Rip Van Winkle cependant était de ces heureux mortels d’un naturel insouciant et aimable qui prennent tout facilement, mangeant indifféremment du pain blanc ou du pain bis, pourvu qu’ils se le procurent sans peine, et aiment mieux vivre d’un sou que travailler pour gagner un louis. Laissé à lui-même, il eût été tout content de passer sa vie à siffler, mais sa femme lui rebattait continuellement les oreilles de sa paresse et de la ruine qui menaçait sa famille.
Du matin au soir, cette langue redoutable ne s’arrêtait pas. Tout ce que disait ou faisait Rip était certain de susciter un torrent d’éloquence domestique. Aussi n’avait-il qu’une façon de répondre à des sermons de ce genre, façon qui à la longue était devenue une habitude : il haussait les épaules, secouait la tête, levait les yeux au ciel, mais ne disait rien. Cette attitude provoquait toujours chez sa femme une nouvelle grêle de paroles, de sorte que force lui était de battre en retraite, et de quitter la maison où il ne savait pas être le maître.
Le seul partisan domestique de Rip, son chien Wolf, était aussi maltraité que son maître, car madame Van Winkle les considérait comme associés dans la paresse, et voyait même le chien d’un mauvais œil, comme complice des méfaits de son maître. Wolf ne manquait certes pas de courage, il en avait tout ce qu’il en faut à un bon chien de chasse, mais quel courage saurait résister à une pareille hostilité, sans cesse renouvelée ? Il prenait un air penaud en entrant dans la maison, se glissant partout la queue entre les jambes avec une mine de coupable, regardant madame Van Winkle à la dérobée, tout prêt à se sauver en hurlant au moindre geste menaçant qu’elle faisait avec son balai, ou toute autre arme offensive qu’elle tenait à la main.
Avec les années, les choses allèrent de mal en pis ; une humeur acariâtre ne s’adoucit jamais avec l’âge…
Chassé de chez lui, le pauvre Rip se consola longtemps en fréquentant une sorte de cercle perpétuel formé des sages, des philosophes et autres fainéants du village, qui tenait ses réunions sur un banc devant une petite auberge, ayant pour enseigne le visage rubicond de Sa Majesté Georges III. On restait là assis à l’ombre, à paresser tranquillement du matin au soir, durant les longs jours fatigants de l’été, rapportant nonchalamment les commérages du village, ou se racontant d’interminables histoires à dormir debout, à propos de tout et de rien. Cependant, un homme d’État aurait certainement tiré profit des discussions profondes qui s’engageaient lorsque, par hasard, quelque vieux journal laissé par un voyageur leur tombait entre les mains. Avec quel sérieux ils en écoutaient le contenu, ânonné par Derrick Van Bummel, le maître d’école, un petit homme vif, dont l’érudition ne s’effrayait de la longueur d’aucun mot du dictionnaire ! Et avec quelle sagesse ils délibéraient sur certains événements politiques, survenus parfois plusieurs mois auparavant.
Les opinions de cette assemblée se réglaient entièrement sur celles de Nicolas Vedder, un des patriarches du village et propriétaire de l’auberge. Dès le matin il s’installait sous le grand arbre devant sa porte où il restait jusqu’au soir, de sorte que ses voisins voyaient l’heure à ses mouvements aussi bien qu’au cadran solaire. Quoiqu’il ne parlât que fort rarement, occupé qu’il était à fumer sa pipe, ses partisans – car tout grand homme a ses partisans – le comprenaient parfaitement, et savaient très bien interpréter ses pensées. Lorsqu’on lisait ou racontait quelque chose qui lui déplaisait, il fumait énergiquement, émettant avec sa pipe de courtes bouffées furieuses et rapprochées ; quand au contraire il était satisfait, il aspirait lentement et tranquillement la fumée, l’expirant en nuages légers et paisibles. Parfois même, retirant la pipe de sa bouche, et laissant monter les spirales odoriférantes autour de son nez, il inclinait gravement la tête en signe de parfait assentiment.
Mais même au sein de cette retraite, le malheureux Rip fut relancé par sa femme, qui fit une irruption subite dans la tranquille assemblée. Sans le moindre respect pour aucun de ses membres, ni pour cet auguste personnage qu’était Nicolas Vedder, elle accusa ce dernier d’encourager son mari dans ses habitudes de paresse.
Le pauvre Rip était tout prêt à désespérer. Le seul moyen qui lui restait pour échapper aux travaux de la ferme et aux récriminations de sa femme était de prendre un fusil et de s’en aller dans les bois. Là, s’asseyant au pied d’un arbre, il partageait le contenu de sa besace avec Wolf, qu’il plaignait comme compagnon d’infortune.
« Pauvre Wolf, disait-il, ta maîtresse te fait mener une vie de chien ! Peu importe, mon vieux, tant que je serai là, tu ne manqueras jamais d’un ami pour te défendre. »
Et Wolf de remuer la, queue, et de le regarder tristement. Je crois que si un chien est capable de ressentir la pitié, celui-là en éprouvait pour son maître.
Par une belle journée d’automne, Rip s’était aventuré sans s’en rendre compte jusqu’à un des points les plus élevés des montagnes du Catskill. Il était à la poursuite des écureuils, sa chasse de prédilection, faisant retentir les espaces solitaires de ses coups de feu réitérés.
Essoufflé par sa course, il s’arrêta à une heure tardive de l’après-midi pour se reposer, et se jeta sur une butte verte, recouverte d’herbe courte et drue, qui surplombait un précipice. D’un côté, par une trouée dans les arbres, il pouvait apercevoir toute l’étendue de la riche campagne boisée qui se déroulait au-dessous de lui. Plus bas encore dans le lointain, le fleuve Hudson poursuivait tranquillement son cours majestueux, le miroir paisible de ses eaux troublé seulement çà et là par le reflet d’un nuage pourpre, ou la voile d’une barque attardée, et allait enfin se perdre entre les collines bleutées à l’horizon. De l’autre côté, son regard tombait dans un profond ravin sauvage et désert, dont le sol raboteux était jonché de quartiers de pierre tombés des rochers en surplomb, et qu’éclairaient à peine les rayons du soleil couchant.
Rip resta quelque temps à contempler cette scène, mais le soir approchait. L’ombre bleue des montagnes envahissait de plus en plus les vallées, et s’apercevant enfin qu’il lui serait impossible de revenir au village avant la nuit, il poussa un gros soupir à la pensée de la scène que lui ferait Madame Van Winkle. Il s’apprêta pourtant à descendre. C’est alors qu’il entendit une voix appeler de loin : » Rip Van Winkle ! Rip Van Winkle ! »
Il regarda autour de lui, mais ne vit qu’un corbeau poursuivant son vol solitaire à travers la montagne. Se croyant le jouet de son imagination, il reprit son chemin lorsque le même cri retentit de nouveau dans le silence des airs : » Rip Van Winkle ! Rip Van Winkle ! » À ce bruit, son chien s’approcha de lui en grondant, hérissant le dos et jetant des regards craintifs dans le ravin. Rip se sentit alors envahir par une terreur vague, et se tournant avec inquiétude du même côté, il aperçut un personnage étrange qui gravissait lentement les rochers, plié sous le poids d’un fardeau qu’il portait sur le dos.
Surpris de voir un être humain dans ce lieu solitaire et peu fréquenté, mais croyant que c’était un habitant des environs qui avait besoin de son secours, Rip se hâta de descendre pour lui venir en aide. Vu de plus près, l’aspect de l’inconnu l’étonna. C’était un petit vieillard trapu, de forte carrure, à la chevelure épaisse et la barbe grisonnante. Vêtu à l’ancienne mode hollandaise, il portait une tunique en drap avec ceinturon de cuir, ainsi que des culottes superposées l’une sur l’autre, dont celle de dessus, fort large, avait des rangs de boutons sur les côtés et des nœuds de ruban aux genoux.
Il fit signe à Rip pour que ce dernier s’approchât et l’aidât à porter le lourd baril dont il était chargé. Tout en se méfiant un peu du personnage, Rip avec sa complaisance habituelle, se hâta d’accéder à son désir, et se chargeant tour à tour du fardeau les deux hommes se mirent à monter un étroit ravin formé par le lit desséché d’un torrent.
En montant Rip entendit de temps en temps des roulements prolongés, comme ceux du tonnerre, et qui semblaient sortir d’une crevasse profonde entre les rochers élevés où conduisait le sentier raboteux qu’ils suivaient. Il s’arrêta un instant, mais se disant que le bruit n’était que le grondement d’un de ces orages passagers si fréquents dans la montagne, il reprit son chemin. En quittant le ravin, ils débouchèrent dans une espèce d’amphithéâtre qu’entouraient des rochers à pic couronnés d’arbres, à travers les branches pendantes desquels on ne pouvait qu’entrevoir le ciel bleu et les lueurs du couchant. Ils avaient marché en silence, car bien que Rip se demandât avec le plus grand étonnement dans quel but son compagnon pouvait bien transporter un baril dans cette montagne, quelque chose d’étrange et d’incompréhensible chez l’inconnu lui imposait une sorte de gêne, l’empêchant de poser des questions, et lui interdisant toute familiarité.
En entrant dans l’amphithéâtre de nouveaux sujets d’étonnement se présentèrent à ses yeux. Sur un espace nivelé, au milieu du terrain, un groupe de personnages étranges, affublés de costumes les plus bizarres, jouaient aux quilles. Les uns portaient de courts pourpoints, d’autres des tuniques avec de longs couteaux passés à la ceinture, et le plus grand nombre avaient d’énormes culottes pareilles à celles du compagnon de Rip. Leur physique aussi était curieux : l’un d’entre eux avait une tête énorme, au visage large, avec de petits yeux de cochon, le nez d’un autre semblait envahir tout son visage, que couronnait un chapeau blanc en forme de pain de sucre, orné d’une petite plume de coq. Tous portaient la barbe, de formes et de couleurs diverses.
Un vieillard d’un certain embonpoint, semblait être le chef de la société ; il portait un pourpoint brodé, avec l’épée passée à la ceinture, un chapeau à haute calotte et à plume, des bas rouges, et des souliers à talons hauts avec des rosettes.
Rip fut surtout frappé de l’air grave et du silence mystérieux de ces gens qui pourtant, étaient en train de s’amuser ; jamais il n’avait assisté à une aussi triste partie de plaisir. Rien ne troublait le silence du lieu, sauf le son des balles qui, en roulant, faisaient résonner les montagnes d’un fracas semblable à celui du tonnerre.
L’arrivée de Rip fit subitement cesser le jeu, et tous tournèrent vers lui des regards si vides de toute expression qu’à l’aspect de ces visages singuliers, semblables à des statues, il fut pris d’une peur soudaine ; son cœur se souleva et ses genoux s’entrechoquèrent. Son compagnon vida alors le contenu du baril dans de grandes cruches, et lui fit signe de servir la compagnie. Il obéit en tremblant de crainte ; tous burent la liqueur en silence et se remirent ensuite à leur jeu.
La terreur et l’appréhension de Rip diminuèrent peu à peu ; il osa même, lorsqu’aucun œil n’était fixé sur lui, essayer le breuvage qu’il trouva ressembler fort à l’excellent genièvre de Hollande. Il était naturellement porté à la soif, et fut bientôt tenté de renouveler l’expérience. Y prenant goût, il répéta si souvent ses visites à la dive bouteille, qu’à la fin la tête lui tourna ; il perdit conscience, son menton retomba peu à peu sur sa poitrine, et il s’endormit profondément.
En s’éveillant, il se retrouva sur la butte verte d’où il avait tout d’abord aperçu le vieillard du ravin. Il se frotta les yeux : c’était une belle matinée ensoleillée, une brise pure soufflait à travers la montagne, les petits oiseaux sautillaient et gazouillaient dans les buissons, et un aigle tournoyait dans les airs.
« Je n’ai pas pu dormir ici toute la nuit… » se dit Rip, et toutes les circonstances qui avaient précédé son sommeil lui revinrent à l’esprit. Il revit l’homme étrange portant le baril, le ravin dans la montagne, la retraite sauvage parmi les rochers, les personnages mélancoliques jouant aux quilles, et surtout la cruche de liqueur.
« Cette maudite cruche, se dit Rip. Qu’est-ce-que je vais bien pouvoir dire à ma femme ? »
Il chercha des yeux son fusil, mais à la place de son fusil de chasse propre et bien entretenu il trouva à côté de lui un vieux mousquet au canon rouillé, dont la platine se détachait, et dont le bois était vermoulu. Il soupçonna alors les graves messieurs du jeu de quilles de lui avoir joué un mauvais tour, et après l’avoir enivré de liqueur, de lui avoir volé son fusil. Wolf avait également disparu, mais il était peut-être parti à la chasse d’un écureuil ou d’une perdrix. Son maître le siffla, et l’appela à grands cris, mais en vain ; l’écho répéta ses appels, mais le chien ne revint pas.
Rip se leva pour visiter à nouveau le lieu des ébats de la veille, décidé s’il rencontrait un de ceux qui y avaient assisté, de lui réclamer son chien et son fusil. Mais dès les premiers pas, il se sentit une raideur aux articulations, et son agilité habituelle lui faisait défaut.
« Il ne me convient guère de coucher à la belle étoile, se dit-il ; et si cette plaisanterie devait m’aliter avec un accès de rhumatisme, j’aurais un joli quart d’heure à passer avec Madame Van Winkle ! »
Lentement et péniblement il accomplit la descente, retrouva le ravin par où lui et son compagnon étaient montés la veille, mais, à son grand étonnement, un torrent y roulait ses eaux, et sautant de rocher en rocher remplissait le vallon de son bruit assourdissant. Rip réussit pourtant à remonter le long du cours d’eau, se frayant difficilement un chemin à travers des fourrés de bouleaux, de sassafras et d’hamamélis, butant de temps en temps contre des vignes sauvages, qui par l’entrelacement de leurs vrilles lui barraient le passage en formant une sorte de réseau entre les arbres.
Enfin, il atteignit l’endroit où ils s’étaient engagés dans la crevasse conduisant à l’amphithéâtre : toute trace d’ouverture avait disparu. Les rochers formaient une haute muraille impénétrable, par-dessus laquelle tombait le torrent, nuage d’écume légère se jetant dans un bassin large et profond, obscurci par l’ombre de la forêt environnante. Voilà donc le chemin du pauvre Rip barré. De nouveau, il siffla son chien, et l’appela par son nom ; rien ne lui répondit que le croassement d’une bande de corbeaux tournoyant autour de la cime d’un arbre desséché, qui dominait un précipice ensoleillé. En toute sécurité, à cette hauteur, ils semblaient se moquer de la perplexité du pauvre Rip. Que faire ? La matinée s’écoulait et Rip, qui n’avait pas déjeuné, se sentait tiraillé par la faim. Il regrettait d’abandonner son chien et son fusil, il redoutait la rencontre avec sa femme. Et d’autre part, rester dans la montagne ce serait risquer mourir de faim. Secouant la tête, il remit sur son épaule le mousquet rouillé. Le cœur tourmenté et inquiet, il reprit la direction de sa ferme.
Aux abords du village, il rencontra pas mal de monde, mais personne de sa connaissance, ce qui ne fut pas sans le surprendre, car il croyait connaître tous les habitants du pays. Toutes ces personnes portaient des vêtements différents de ceux auxquels il était habitué. Leurs regards trahissaient le même étonnement qui devait se manifester dans le sien, et la persistance avec laquelle chacun se caressait le menton en le voyant poussa Rip à imiter machinalement ce geste. À son ébahissement, il découvrit alors que sa barbe avait un pied de long !
Il arrivait aux premières maisons du village. Une bande de gamins, parmi lesquels pas un visage ne lui était connu, le poursuivit avec des huées, montrant du doigt sa barbe grise. Les chiens, dont il ne reconnut aucun, aboyèrent sur son passage. Le village même était changé, devenu plus grand et plus populeux. Il y avait une rangée de maisons qu’il n’avait jamais vue, tandis que celles qu’il avait fréquentées avaient disparu. Des noms inconnus étaient sur les portes, de nouveaux visages aux fenêtres ; tout lui était étrange. Il commença à se demander avec inquiétude si lui-même et tout ce qui l’entourait n’étaient pas les victimes d’un sortilège.
Pourtant, c’était bien son village natal, qu’il n’avait quitté que la veille. À l’horizon, se dressaient les monts Catskill. Là-bas, dans le lointain, coulaient les eaux argentées du fleuve Hudson ; chaque colline, chaque vallée était à sa place. Cruellement perplexe, Rip se demanda : » Se peut-il que cette boisson d’hier soir m’ait à ce point troublé le cerveau ? »
Non sans difficulté, il retrouva le chemin de sa propre demeure, dont il s’approcha en tremblant, redoutant à chaque instant d’entendre la voix criarde de Madame Van Winkle. Il trouva la maison en ruines, le toit écroulé, les carreaux cassés, les portes arrachées de leurs gonds. Un chien famélique qui ressemblait à Wolf errait par là. Rip l’appela par son nom, mais le roquet montra les dents, et s’éloigna en grondant. C’était là un coup bien cruel.
« Mon chien même, soupira le pauvre Rip, ne me reconnaît plus. »
Il franchit le seuil de sa maison, laquelle, Madame Van Winkle pour lui rendre justice, avait toujours tenue de façon irréprochable. Vides, désertes, les pièces semblaient depuis longtemps abandonnées. La solitude l’emportant sur la terreur, Rip appela à haute voix sa femme et ses enfants. Un instant sa voix résonna à travers les chambres désertes, puis tout retomba dans le silence.
Il sortit alors en toute hâte, et courut dans la direction de son ancien repaire, l’auberge du village, mais elle aussi avait disparu. À sa place, se dressait une grande baraque en bois aux grandes fenêtres béantes, dont quelques vitres cassées étaient bouchées par de vieux chiffons. Au-dessus de la porte d’entrée on lisait » Hôtel de l’Union, Jonathan Doolittle, propriétaire ». Le grand arbre qui abritait la tranquille petite auberge avait disparu, et était remplacé par un grand poteau nu, dont le sommet était garni d’un objet ressemblant à un bonnet de nuit rouge, et d’où flottait un drapeau étrangement parsemé d’étoiles et coupé de raies. Rip n’y comprenait rien. L’enseigne de l’auberge, le portrait du roi Georges, sous lequel il avait passé tant d’après-midis paisibles à fumer sa pipe, étaient pourtant là. Les traits du bon visage rouge et épanoui n’avaient pas changé, mais le costume avait subi d’importantes modifications. L’habit rouge était remplacé par un uniforme bleu à revers jaunes, au lieu du sceptre, la main tenait une épée, la tête était ornée d’un tricorne, et au-dessous du portrait ces mots étaient tracés en gros caractères » Le Général Washington ».
Comme toujours il y avait un rassemblement devant la porte, mais Rip n’y retrouva personne de sa connaissance. Et quel changement singulier s’était produit dans la manière d’être des gens ! Un ton animé, remuant, batailleur même, avait remplacé le flegme et la tranquillité assoupie des anciens habitués de l’auberge. Les yeux de Rip erraient sur le groupe, cherchant tour à tour la figure paisible au double menton de son bon camarade Nicolas Vedder, dont les lèvres au lieu de paroles oiseuses émettaient sans cesse d’épaisses bouffées de fumée, et l’honnête maître d’école Van Bummel, toujours armé d’un vieux journal dont il ne cessait de lire les nouvelles anciennes à tout venant. À leur place, un individu sec et atrabilaire, les poches bourrées d’affiches électorales, déversait des flots d’éloquence à propos des droits des citoyens, des élections, des membres du congrès, de la liberté, de la bataille de Bunkers Hill, des héros de soixante-seize, et d’un tas de choses encore dont la nomenclature ne représentait aux oreilles abasourdies de Rip qu’un simple galimatias.
L’aspect de ce dernier, avec sa longue barbe grise, son fusil rouillé, son costume démodé, et la troupe de femmes et d’enfants se pressant sur ses pas, attira bientôt l’attention des politiciens de cabaret. Ils l’entourèrent, l’examinant de la tête aux pieds avec une vive curiosité. L’orateur vint à lui avec empressement, et le tirant a l’écart, lui demanda » de quel côté il était ? » Rip, hébété, ouvrit de grands yeux. Pratiquement au même moment, un autre individu de taille minuscule, mais aussi affairé que petit, le prit par le bras, et se dressant sur la pointe des pieds, lui demanda à l’oreille s’il était » fédéral ou démocrate ? » Cette question n’était pas pour tirer Rip de son embarras, et il hésitait à répondre, lorsqu’un troisième personnage fendit la foule pour s’approcher de lui, en donnant des coups de coude à droite et à gauche pour se frayer un chemin. C’était un vieux monsieur à l’air astucieux et suffisant, coiffé d’un tricorne pointu. Il se planta devant Van Winkle, une main sur la hanche, l’autre appuyant sur sa canne, et lui demanda d’un ton sévère ce qui l’amenait à l’élection armé d’un fusil et suivi d’une foule comme s’il avait l’intention de soulever une émeute dans le village.
« Hélas messieurs, s’écria Rip, tout intimidé, se sentant pénétré jusqu’au fond de l’âme par le regard perçant et même par le chapeau pointu de son terrible interlocuteur. Hélas, je ne suis qu’un pauvre habitant bien inoffensif de ce village, et sujet fidèle du roi, que Dieu bénisse… »
Un cri formidable s’éleva parmi les assistants.
« Un royaliste, un royaliste ! À bas l’espion ! Conspuez le transfuge ! »
Il fallut toute l’autorité de l’homme important au tricorne pour rétablir l’ordre. Fronçant le sourcil, d’un air terrible, il questionna à nouveau le suspect : que venait-il faire là, et qui cherchait-il ? Le malheureux l’assura humblement qu’il n’avait aucune mauvaise intention, et qu’il ne faisait que chercher quelques-uns de ses voisins qui fréquentaient la taverne comme lui.
« Eh bien, qui sont-ils ? Nommez-les !
Rip réfléchit un instant, puis demanda à son tour :
— Où est Nicolas Vedder ?
Un court silence se fit, interrompit au bout d’un instant par la voix grêle d’un vieillard.
— Nicolas Vedder ? Mais il y a dix-huit ans qu’il est mort ! Une croix en bois marquait autrefois l’endroit où il reposait dans le cimetière, mais il n’en reste plus rien.
— Qu’est devenu Brom Dutcher ?
— Il est parti au commencement de la guerre. Les uns disent qu’il a été tué à l’assaut de Stony Point, d’autres qu’il s’est noyé à la pointe d’Antony pendant une tempête. Je n’en sais rien, en tous cas il n’est jamais revenu.
— Et le maître d’école, Van Bummel ?
— Lui aussi s’en est allé à la guerre. Il est devenu un grand général de milice, et fait maintenant partie du congrès. »
Le cœur de Rip se serra en apprenant les tristes changements qui s’étaient produits parmi ses amis, et en se trouvant ainsi seul au monde. Ces réponses se rapportant à de si longs espaces de temps, et à des choses auxquelles il ne comprenait rien : la guerre, le congrès…, achevèrent de le décontenancer. Il n’eut plus le triste courage de demander des nouvelles d’autres amis, et s’écria avec désespoir :
« Personne ici ne connaît-il Rip Van Winkle ?
— Ah ! Rip Van Winkle ! s’écrièrent deux ou trois voix en chœur. Mais oui, quant à lui, il est là : le voilà, là-bas, adossé à l’arbre. »
Rip regarda dans la direction indiquée, et aperçut son portrait exact, tel qu’il avait été en allant à la montagne, aussi paresseux semblait-il, et tout aussi déguenillé. Cela le mit au comble de l’ahurissement. Il commença à douter de sa propre identité, se demandant s’il était lui-même ou un autre. L’homme au tricorne ajouta à son embarras en lui demandant qui il était, et comment il s’appelait.
« Dieu seul le sait, s’écria-t-il au bout de son latin. Je ne suis pas moi-même, je suis un autre ! C’est moi là-bas ; non, c’est quelqu’un d’autre qui a pris ma place. Hier soir encore, j’étais moi-même, mais je me suis endormi sur la montagne. On m’a changé mon fusil, tout est changé. Je suis changé moi-même, et je ne sais plus mon nom, ni qui je suis ! »
Sur ce, les membres de l’assemblée échangèrent des regards en hochant la tête d’une façon significative. Se touchant le front du doigt, quelques-uns discutèrent la nécessité de s’emparer du fusil afin de mettre le vieux bonhomme hors d’état de nuire. À cette idée, l’homme au tricorne se retira avec précipitation.
Au même instant, une belle femme au teint éblouissant de fraîcheur se fraya un passage à travers la foule rassemblée pour regarder l’homme à la barbe grise. Elle portait dans les bras un enfant joufflu qui, pris de peur à la vue du vieillard, se mit à pleurer.
« Chut, Rip, dit-elle, chut, petit sot ; le vieux ne te fera pas de mal. »
Le nom de l’enfant, l’aspect de la mère, le ton de sa voix éveillèrent un monde de souvenirs dans l’esprit de Rip.
« Comment vous appelez-vous, ma brave femme ? demanda-t-il.
— Judith Gardenier.
— Et le nom de votre père ?
— Le pauvre homme s’appelait Rip Van Winkle, mais il y a vingt ans qu’il a quitté la maison, avec son fusil sur l’épaule. Depuis, nous n’en avons plus jamais entendu parler, son chien est revenu à ta maison sans lui. S’est-il tué d’un coup de fusil, ou les Indiens l’ont-ils enlevé, c’est ce qu’on ne saura jamais. Je n’étais alors qu’une toute petite fille.
Rip n’avait plus qu’une question à poser. Il dit d’une voix mal assurée :
— Et votre mère ?
— Elle est morte il y a peu de temps, de la rupture d’un anévrisme occasionnée par un accès de colère contre un colporteur. »
Cette nouvelle apportait au moins quelque consolation au brave homme qui ne put se retenir plus longtemps, et saisissant sa fille et son petit fils dans ses bras, il s’écria :
« Je suis ton père ! Autrefois le jeune Rip Van Winkle, aujourd’hui le vieux Rip Van Winkle ! Est-ce que personne ne reconnaît le pauvre Rip Van Winkle ? »
Tous étaient stupéfaits. Cependant, une vieille femme s’avançant en chancelant et s’abritant les yeux de la main, le dévisagea un instant, puis s’écria :
« Mais oui, c’est Rip Van Winkle ! C’est lui-même. Soyez le bienvenu, mon vieux voisin ! Mais où donc avez-vous passé ces vingt longues années ? »
L’histoire de Rip fut vite racontée, car pour lui ces vingt années n’avaient été qu’une seule nuit. Les voisins écarquillèrent les yeux en entendant son récit ; quelques-uns même clignèrent de l’œil en mettant la langue dans la joue, et l’homme au tricorne, sa frayeur passée, revint à la charge. Les coins de sa bouche s’abaissèrent, et il hocha la tête d’un air de doute, en quoi il fut tout de suite imité par le reste de l’assemblée. On se décida pourtant de s’en remettre à l’avis du vieux Pierre Vanderdonk, que l’on voyait en ce moment s’avancer lentement le long de la route. Ce vieillard, dont l’aïeul nous a laissé une des premières chroniques de la colonie, était lui-même, en sa qualité du plus ancien habitant du village, au courant de tous les événements remarquables et de toutes les traditions du pays. Il reconnut immédiatement Rip, et confirma en tous points son récit, assurant que les monts Catskill avaient de tout temps été hantés par des êtres surnaturels, et que le fait avait été rapporté par son aïeul l’historien.
La légende voulait que le célèbre Hendrick Hudson, le premier à découvrir le fleuve et le pays, revenait tous les vingt ans avec l’équipage de son navire la Demi-Lune, revoir le lieu de ses exploits, et qu’il lui était ainsi permis de veiller sur le fleuve et la grande ville qu’il avait dotés de son nom. Il ajouta que son père avait une fois aperçu ces personnages, vêtus de leur costume hollandais, en train de jouer aux quilles dans un vallon enserré dans les rochers, près du sommet de la montagne, et que lui-même, par une après-midi d’été avait entendu le choc de leurs balles résonnant comme de lointains coups de tonnerre.
Sa curiosité satisfaite, l’assemblée se dispersa, et s’occupa de nouveau des affaires plus importantes de l’élection à venir. Quant à Rip, sa fille l’emmena chez elle, dans sa maison propre et bien aménagée, où elle lui présenta son mari, un gros et jovial fermier en qui le vieillard reconnut un de ces gamins qui lui avaient autrefois si souvent grimpé sur le dos. Son fils et héritier Rip, le vivant portrait de son père, qu’il avait vu adossé à un arbre, était employé aux travaux de la ferme, mais il montrait une tendance héréditaire à s’occuper de tout plutôt que de son travail.
Rip ne tarda pas à reprendre ses anciennes habitudes ; au cours de ses promenades il retrouva quelques-uns de ses vieux camarades, mais tous avaient bien vieilli, de sorte qu’il préféra, se faire des amis parmi la jeune génération, dont il eut vite fait de gagner les sympathies.
Étant absolument désœuvré, et ayant pour son bonheur atteint l’âge où un homme peut sans reproche se permettre de ne rien faire, il reprit sa place sur le banc devant l’auberge, et jouit bientôt de l’estime générale comme un des patriarches du village et une chronique vivante des anciens temps d’» avant la guerre ». Mais il lui fallut un certain temps pour se mettre au courant de l’état actuel des choses, et pour arriver à comprendre les événements étonnants qui s’étaient passés pendant son sommeil. On lui apprit qu’une guerre révolutionnaire avait éclaté que le pays avait secoué le joug de la vieille Angleterre, qu’au lieu d’être un sujet de Sa Majesté Georges III, il était à présent un citoyen de la République libre des États-Unis.
Notre ami Rip, à vrai dire se souciait peu de politique, les changements survenus dans les États et les Empires le laissaient absolument froid. Un seul genre de despotisme l’avait pendant longtemps fait souffrir : la tyrannie de sa femme. Maintenant, Dieu merci, tout cela était bien fini ; il était délivré des liens du mariage, et pouvait aller et venir à son gré sans craindre les reproches de Madame Van Winkle. Cependant, chaque fois qu’il entendait prononcer le nom de sa femme, il baissait la tête en soupirant, puis levait les yeux au ciel, ce qu’on pouvait interpréter comme l’expression, soit de simple résignation, soit de sa reconnaissance envers le ciel.
Il ne se lassait pas de raconter son histoire à tout étranger qui descendait à l’auberge, et si dans les premiers temps, son récit variait toujours sur certains points, cela provenait sans doute de ce qu’il sortait à peine de son long sommeil. L’histoire prit enfin une forme définitive, et telle que je viens de la raconter fut connue dans ses moindres détails de tous les habitants du pays, hommes, femmes et enfants. Il y avait bien quelques incrédules qui se moquaient du pauvre Rip et de son aventure, en mettant en avant le fait qu’il n’avait jamais eu la tête très solide.
Les descendants des vieux colons hollandais sont pourtant presque unanimes à ajouter foi à ce conte ; aujourd’hui encore, en entendant rouler le tonnerre dans les montagnes du Catskill, ils ne manquent pas de dire qu’Hendrick Hudson et son équipage viennent de commencer une partie de quilles.
Aussi n’y a-t-il pas un mari à la ronde, de tous ceux qui sont tyrannisés par une épouse querelleuse, qui n’ait parfois souhaité au plus fort de l’orage domestique, de goûter à la boisson soporifique de Rip Van Winkle…
Comments